COVID-19 et hydroxychloroquine

  • Rapports faisant état d’effets indésirables très graves
  • Toujours pas de preuve d’efficacité

Rapports faisant état d’effets indésirables très graves

L’ANSM et l’AFMPS signalent des effets indésirables graves avec l’hydroxychloroquine (HCQ) utilisée dans le cadre du COVID-19.

  • L’ANSM, agence française des médicaments, fait état de 43 cas d’effets indésirables cardiaques avec l’HCQ, seule ou en association (notamment avec l’azithromycine) : 7 cas de mort subite (dont 3 « récupérés » par choc électrique externe), une dizaine de troubles du rythme électrocardiographiques ou symptômes cardiaques les évoquant comme des syncopes, et des troubles de la conduction dont allongement de l’intervalle QT, d’évolution favorable après arrêt du traitement. Presque tous les cas ont été signalés dans un contexte hospitalier. 
  • L’AFMPS, agence belge des médicaments, fait état d’un cas d’hémolyse lors d’un traitement par HCQ chez un patient hospitalisé qui s’avérait déficient en glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PD) après un examen biologique. La prudence est particulièrement recommandée en cas d’utilisation d’HCQ chez des patients présentant un déficit prononcé en G6PD. L’incidence du déficit en G6PD est surtout élevée chez les personnes originaires d’Afrique subsaharienne (8%, allant de 3 à 23%), alors qu’elle est beaucoup plus faible parmi les populations autochtones des pays d’Europe du Nord (0,1%) [voir le Répertoire, Intro.6.2.11.]. 

Il s’agit ici de notifications spontanées d’effets indésirables, avec les limites qu’on leur connaît et qui rendent impossible l’évaluation de la causalité, et la sous-notification est presque certaine. Ces signaux renforcent les mises en garde concernant l’utilisation de l’HCQ dans le cadre du COVID-19 : voir nos communiqués « Bon à savoir » « Quelques points importants liés à la co-médication chez les patients hospitalisés traités à l’hydroxychloroquine » (07/04/20) et « L’efficacité de l’hydroxychloroquine reste incertaine. Son profil d’innocuité reste une préoccupation importante ! » (03/04/20). 

Un point important auquel il convient de faire attention en utilisant l’HCQ, c’est son élimination très lente de l’organisme (demi-vie allant jusqu’à 14 jours selon le RCP de Plaquenil®, voire jusqu’à 2 mois selon d’autres sources). Dans tous les cas, le patient doit encore être suivi pendant plusieurs semaines après l’arrêt du traitement, notamment en ce qui concerne la toxicité cardiaque (risque d’allongement de l’intervalle QT et de torsades de pointes, soyez vigilant chez les patients présentant des facteurs de risque (voir Répertoire, Intro.6.2.2.)). Les interactions peuvent se produire jusqu’à plusieurs semaines après l’arrêt du traitement par HCQ. La prudence est particulièrement recommandée avec d’autres médicaments allongeant l’intervalle QT (tels que l’azithromycine) et certains antidiabétiques. Un ajustement de la dose des substrats de la P-gp ayant une marge thérapeutique-toxique étroite (notamment les AOD, la digoxine, la ciclosporine, le tacrolimus et le sirolimus) peut également être nécessaire, surtout au moment d’initier et d’arrêter le traitement par HCQ (inhibiteur in vitro de la P-gp).

Toujours pas de preuve d’efficacité de l’HCQ

L’efficacité de l’HCQ dans le COVID-19 n’a toujours pas été étayée par des études contrôlées. Seules des données non contrôlées sont disponibles : une nouvelle étude1 – du même groupe de recherche français (Gautret et al.) que la première étude pilote2, avec discussion dans Minerva – décrit une cohorte plus large (sans groupe témoin), avec de bons résultats. D’autres investigateurs3 ont tenté de reproduire les résultats de la première étude de Gautret et al. avec l’HCQ et l’azithromycine (également de manière non contrôlée), mais ils rapportent des résultats très décevants. Et dans le NEJM Journal Watch (15/04/20), il est fait référence à une analyse de dossiers médicaux de patients COVID-19 nécessitant une oxygénothérapie, qui ne révèle aucune différence en ce qui concerne l’incidence d’admission en soins intensifs ou de décès entre les patients ayant reçu de l’HCQ (n=84) et les patients n’ayant pas reçu d’HCQ (n=97). Plusieurs études contrôlées ont été lancées dans le monde entier. Par conséquent, la recommandation reste inchangée, à savoir que dans le cadre du COVID-19, l’HCQ ne peut actuellement être initiée qu’en milieu hospitalier, dans les conditions décrites par Sciensano (voir Procédure pour les hôpitaux et les spécialistes « Traitement des patients hospitalisés » (version la plus récente (en anglais) du 07/04/2020) [Sciensano].

La nécessité et l’importance d’études contrôlées sont fortement soulignées dans un éditorial du NEJM4, qui rappelle les risques que peut représenter le manque de telles études et les résultats décevants qui avaient été obtenus précédemment avec d’autres traitements, eux aussi insuffisamment étayés, dans le cadre de la grippe H1N1.

Sources spécifiques 

  1. Gautret P, Lagier JC et al. Clinical and microbiological effect of a combination of hydroxychloroquine and azithromycin in 80 COVID-19 patients with at least a six-day follow up: A pilot observational study. Travel Medicine and Infectious disease, online 11/04/20 (https://doi.org/10.1016/j.tmaid.2020.101663) 
  2. Gautret P, Lagier JC et al. Hydroxychloroquine and azithromycin as a treatment of COVID-19: results of an open-label non-randomized clinical trial. Int J Antimicrob Agents. 2020 Mar 20 (doi: 10.1016/j.ijantimicag.2020.105949), avec discussion dans Minerva (Analyse brève, avril 2020)
  3. Molina JM, Delaugerre C et al. No evidence of rapid antiviral clearance or clinical benefit with the combination of hydroxychloroquine and azithromycin in patients with severe COVID-19 infection. Médecine et maladies infectieuses, online 30/03/20 (https://doi.org/10.1016/j.medmal.2020.03.006)

Rome BN en Avorn J. Drug Evaluation during the Covid-19 Pandemic. NEJM April 14 2020 (doi: 10.1056/NEJMp2009457)